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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

j’en ai le droit, et, quelque peu qui me reste, comptez que ce peu est à vous.

Mon ami, je vous disais hier soir que vous aviez bien agi et bien pensé devant Dieu et devant les hommes ; que vous aviez accompli de grands devoirs et que vous aviez sujet d’être calme. Oui, je crois que vous êtes calme comme les anges, et, si vous ne l’étiez pas, vous seriez ingrat envers Dieu, qui vous a permis d’accomplir une aussi belle mission. Si vous avez échoué politiquement, c’est que la Providence voulait s’arrêter là, et que ce grand fait doit mûrir dans la pensée des hommes avant qu’ils en produisent de nouveaux.

Non, les nationalités ne périront pas ! Elles sortiront de leurs ruines, ayons patience. Ne pleurez pas ceux qui sont morts, ne plaignez pas ceux qui vont mourir. Ils payent leur dette ; ils valent mieux que ceux qui les égorgent ; donc, ils sont plus heureux.

Et, pourtant, malgré soi, on pleure et on plaint. Ah ! ce n’est pas sur les martyrs qu’il faudrait pleurer, c’est sur les bourreaux.

Plaignez ceux qui ne font rien et qui ne peuvent rien ; plaignez-moi d’être Française. C’est une douleur et une honte en ce moment-ci.

Je vis toujours calme et retirée à Nohant, en famille, aimant et sentant toujours la nature et l’affection. J’ai repris mes Mémoires, interrompus par un grand dérangement dans ma santé. Grâce à Raspail, j’ai été mon propre médecin et je me suis guérie. Jamais, depuis dix ans, je n’avais eu la force et la santé