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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

tulent socialistes aujourd’hui ; mais, croyez-moi, ils ne le sont guère plus que ceux d’hier. Ils admettent le programme de la Montagne, c’est quelque chose ; mais, pour quiconque tendrait à le dépasser un peu, ils seraient tout aussi intolérants, tout aussi railleurs ; tout aussi colère était le National en 1847. Ils ne sont pas assez forts pour vaincre par le raisonnement : ils vaincraient par la violence, ils y seraient entraînés, forcés, pour se maintenir, et ils se retrancheraient sur les nécessités de la politique. Par le fait, la politique et le socialisme sont donc encore choses très distinctes pour eux, quoi qu’ils en disent, et il faut bien que les socialistes s’en tiennent pour avertis. Il y a donc, aujourd’hui encore, nécessité à distinguer ce qu’il faut faire et ne pas faire dans une pareille situation.

Si Ledru-Rollin et les siens étaient au pouvoir, et que je fusse écrivain politique, je croirais faire mon devoir, comme socialiste, en discutant l’esprit et les actes de son gouvernement ; mais je croirais faire une mauvaise action, comme politique, en attaquant les intentions de l’homme et en publiant sur son compte, ou en disant tout haut à tout le monde ce que je vous écris ici. Je ne voudrais pas conspirer contre lui par la seule raison que je ne me fie point à lui. Je retrancherais enfin l’amertume et la personnalité qui sont, malheureusement, la base de toute polémique jusqu’à nos jours.

Mais je ne suis pas, je ne serai pas écrivain politique, parce que, pour être lu en France aujourd’hui,