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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

nous, peuple, parce qu’ils sont au bout de leurs idées et de leurs jambes, et qu’ils ne peuvent pas supporter qu’on les dépasse. Mais, enfin, les voilà arrivés à ce point qu’il leur faut nous suivre, ou mourir, et, s’ils essayent de faire un pas, ne leur tendrons-nous pas la main ? N’est-ce pas à nous d’être les chevaliers de la Révolution, comme ce beau peuple de Février, comme Barbès, notre chevalier-type ?… Est-ce que l’opinion, le parti du National ne sont pas maintenant dans une situation à faire pitié ? Je ne connais guère les hommes de Paris qui représentent cette couleur ; mais il y en a dans nos provinces, il y en a beaucoup parmi les élus que le peuple a choisis comme socialistes, et je vous assure que ce ne sont pas des traîtres, que ce sont des hommes sincères qui ont ouvert les yeux. Nous n’aurions certes pas eu un si beau résultat dans les départements, où l’on proclame le triomphe de la liste rouge, si nous n’eussions admis que les socialistes de la veille, et je crois qu’à Paris, si nous n’avons pas eu la majorité socialiste dans l’élection, c’est que nous avons voulu trop accuser le socialisme pur dans le choix des individus.

Je sais bien que vous me trouvez trop bonne femme. C’est vrai que j’ai toujours été du bois dont on fait les dupes ; mais n’est-ce pas le devoir de toute religion, que la confiance et le pardon ? Vous l’avez dit plusieurs fois, et, aujourd’hui encore, ce n’est pas une secte que nous formons, c’est une religion que nous voulons proclamer.