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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCXCV

À M. THÉOPHILE THORÉ, À PARIS


Nohant, 29 mars 1849.


Mon cher ami,

Il faut que je n’écrive point socialisme et fasse le mort pour le moment. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris, comme bien vous pensez, mais c’est une contrainte volontaire que je m’impose pour sauver une existence qui m’est plus chère que la mienne. Je vous dirais cela si nous pouvions causer ensemble.

Attendez-moi donc quelque temps sans parler de moi. Mon bâillon tombera bientôt, j’espère. Ne vous inquiétez point de l’affaire matérielle en ce qui me concerne. Je crois avoir été plus que payée du travail que j’ai fait pour le journal, et j’espère bien, quand la liberté me sera rendue, n’être plus dans les mêmes embarras d’argent, et n’avoir plus à vous en demander pour ma collaboration. Il y a longtemps que je me reproche de n’avoir pas reçu de vos nouvelles directement, regret que vous ne m’auriez pas causé si je vous avais écrit moi-même. J’ai été triste et malade, et je n’ai pas su me défendre d’un effroyable abattement après juin. Cela s’est dissipé pourtant, et j’ai fait un nouveau bail avec la patience et la foi dans l’a-