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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

politique de cet appel rémunératoire en un pareil moment.

Les représentants réactionnaires eussent-ils voté sous le coup de la peur comme en prairial, ils devaient certainement agir ensuite comme leurs pères, c’est-à-dire provoquer un contre-coup et se parjurer le plus tôt possible. La dissolution de l’Assemblée par la force me paraîtrait plus logique, si je reconnaissais qu’on en eût eu le droit à ce moment-là. Mais pourquoi cette proposition d’impôt au milieu d’un tumulte encore sans issue et sans couleur arrêtée ? Était-ce pour sauver l’Assemblée en lui offrant ce moyen de transaction avec la masse irritée ? Était-ce pour apaiser cette masse et l’empêcher de demander davantage ?

C’est là, je crois, le grand grief des réactionnaires contre vous, car le fait d’aller à l’hôtel de ville pour maîtriser ou diriger un mouvement accompli pour ainsi dire malgré vous, est un acte dont les plus hostiles devraient vous innocenter dans leur propre intérêt. Ils ne vous pardonneront pas le milliard, et vous ne voulez point qu’ils vous pardonnent rien, je le conçois. J’ai été bien tourmentée du désir de prendre ouvertement votre défense dans un écrit spécial, auquel j’aurais donné, dans un moment décisif, le plus de retentissement possible ; mais il aurait fallu que vous y consentissiez d’abord, et j’en doutais ; d’autre part, il aurait fallu savoir à fond ce que vous vouliez dire de tout cela au public indépendant.