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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

toujours un cri de la conscience autant que du cœur. Les réflexions de mes amis et de mes proches m’ont ébranlée, vous serez juge entre nous.

Je ne vous ai écrit qu’un mot par Dufraisse, et rien par Aucante. J’ignorais s’ils parviendraient jusqu’à vous et s’ils pourraient vous remettre une lettre. Dufraisse devait m’écrire à cet égard en arrivant à Bourges. Il l’a peut-être fait, mais je n’ai rien reçu ; il y a peut-être un cabinet noir installé pour la circonstance. De sorte que je serais encore sans nouvelles particulières de vous, si ce bon Émile Aucante n’eût réussi à vous voir. Il m’a dit que vous aviez bon visage et que vous vous disiez tout à fait bien portant.

C’est un bonheur pour moi au milieu de ma tristesse et de mes inquiétudes ; car l’avenir nous appartient et il faut que vous soyez avec nous pour le voir. Soignez-vous donc et n’usez pas vos forces. Tenez-vous toujours calme. Il n’est plus de longues oppressions à craindre désormais. Il n’est plus besoin de conspirations sous le ciel. Le ciel conspire, et, nous autres humains, nous n’avons plus qu’à nous laisser porter par le flot du progrès. Il est bien rapide maintenant et toutes ces persécutions dont nous sommes l’objet ont enfin une utilité manifeste, immédiate. Ah ! votre sort est beau, ami, et, si vous n’en étiez pas plus digne que nous tous, je vous l’envierais. Vous êtes peut-être l’homme le plus aimé et le plus estimé des temps modernes en France, malgré les terreurs des