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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Comment pouviez-vous croire que vous m’aviez fâchée ? Est-ce jamais possible ? Non, non, je ne le crois pas. Vous me gronderiez bien fort que je baisserais la tête, reconnaissant que vous en avez le droit et le devoir. Mais, bien loin de là, votre avant-dernière lettre était pleine de tendresse et de douceur comme toutes les autres, et vous ne songiez qu’à me consoler et à m’encourager. Quand je ne vous écris pas, dans le doute de votre situation, c’est par une crainte instinctive de vous compromettre si vous vous trouviez dans des circonstances plus périlleuses que de coutume. Tenez-moi donc toujours au courant, ne fût-ce que par un mot. De mon côté, je vous écrirai un mot seulement pour vous dire que je pense à vous, quand je craindrai que ma pensée sur les événements ne vous arrive mal à propos. Mais vous le savez bien, que je pense à vous sans cesse, et, pour ainsi dire, à toute heure. Votre souvenir n’est-il pas lié à toutes mes pensées sur le présent et l’avenir de l’humanité ? N’êtes-vous pas un de ces travailleurs infatigables du grand œuvre des temps modernes ? Ouvriers qui peuvent bien se compter entre eux ; car ceux de la douzième heure forment les masses et il en est peu qui ne se corrompent pas ou ne se rebutent pas, au milieu de tant de revers !

Sans doute l’avenir est à nous ; mais irons-nous jusqu’à l’avenir ? Peu importe ! dites-vous ; oui, peu importe pour nous qui sommes dévoués. Mais combien souffrent sans comprendre, et sans pouvoir s’adjurer