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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Nérac, où nous avons encore passé un jour. Puis nous sommes revenues tout d’un trait à Nohant, où je ne te trouve pas !

Est-ce que tu ne reviens pas bientôt ? Et ma chère Agasta, où est-elle ? Guérit-elle ? Se plaît-elle à la Rochelle ? En ce cas, qu’elle y reste encore et que son plaisir, son bien-être, sa santé passent avant tout. Mais, si elle a envie de revenir, j’en ai parbleu bien plus envie qu’elle. Je ne comprends pas Nohant sans Duteil et sans Agasta. C’est la Thébaïde, c’est la Tartarie, c’est la mort. Toutes mes affaires sont en désarroi et mon cerveau en débâcle. Si tu avais été ici, Boutarin ! on ne m’aurait pas enlevé ma fille.

Entre nous soit dit, Marie-Louise et Papet ont seuls montré de l’énergie, et on les a paralysés en les traitant de fous ! Cela m’a porté un grand coup de couteau en travers du cœur.

La société ! toujours et partout la société !

Mon vieux, c’est comme ça. Il n’y a que les vagabonds comme nous qui échappent à la gelée.

Maintenant, j’attends Maurice, que j’ai laissé à Paris chez des amis sûrs, et qui arrivera ici demain. Il ne veut pas me quitter. Sa santé est toujours chancelante. Toutes ces agitations font beaucoup de mal à mon pauvre enfant. Je me ferai couper par morceaux plutôt que de le lâcher.

Mais tout cela m’a laissé un malaise et une inquiétude vraiment maladive. Je ne dors pas. À tout instant, je me réveille en sursaut, croyant entendre mes