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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de l’autel. Elle a pu croire que ce serait de sa part une indiscrétion, de vous faire faire deux portraits pour rien. Si elle ne les a pas acceptés en ami, c’est parce qu’elle ne s’est pas cru, auprès de vous, les droits d’un ami. Ce n’est certainement pas qu’elle eût dédaigné votre amitié, si elle eût compris que vous travailliez pour elle absolument en ami.

Comment pourrait-elle avoir le moindre doute sur votre délicatesse et sur votre fierté ? Avant de vous connaître personnellement, ne vous connaissait-elle pas par moi ?

Pensez-vous que je ne lui aie pas donné de vous l’opinion qu’elle doit avoir ? Je ne sais pas ce que c’est que l’affaire de Batta dont vous me parlez ; mais je sais que Marie parle de vous avec la plus vive sympathie, et que la sympathie n’est point un mot banal chez elle. Réfléchissez donc bien, mon cher ami, avant de lui renvoyer cet argent ; ce serait bien dur et bien sec. Et, quand même elle aurait eu tort de vous l’envoyer, l’intention n’étant pas mauvaise, l’action ne doit pas être sévèrement examinée.

Si vous pensez que ces assurances de ma part ne soient pas une garantie suffisante, et que mon jugement sur cette affaire ne satisfasse pas entièrement votre dignité, je ferai absolument ce que vous voudrez. Écrivez-moi. Vous savez que je suis tout à vous du fond du cœur ; mais j’engage, par avance, mon honneur à vous prouver que Liszt et Marie ont, à votre égard, des sentiments tout à fait opposés à ceux que vous leur