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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

voir l’abbé de Lamennais et deux ou trois amis véritables que je compte, entre mille amitiés superficielles, dans la « Babylone moderne ».

Avez-vous vu, pour parler comme Obermann, la lune monter sur le Vélan ? Que vous êtes heureux, chers enfants, d’avoir la Suisse à vos pieds pour observer toutes les merveilles de la nature ! Il me faudrait cela pour écrire deux ou trois chapitres de Lélia, car je refais Lélia, vous l’ai-je dit ? Le poison qui m’a rendu malade est maintenant un remède qui me guérit. Ce livre m’avait précipitée dans le scepticisme ; maintenant, il m’en retire ; car vous savez que la maladie fait le livre, que le livre empire la maladie, et de même pour la guérison. Faire accorder cette œuvre de colère avec une œuvre de mansuétude et maintenir la plastique ne semble guère facile au premier abord. Cependant les caractères donnés, si vous en avez gardé souvenance, vous comprendrez que la sagesse ressort de celui de Trenmor, et l’amour divin de celui de Lélia. — Le prêtre borné et fanatique, la courtisane et le jeune homme faible et orgueilleux seront sacrifiés. Le tout à l’honneur de la morale ; non pas de la morale des épiciers, ni de celle de nos salons, ma belle amie (je suis sûre que vous n’en êtes pas dupe), mais d’une morale que je voudrais faire à la taille des êtres qui vous ressemblent, et vous savez que j’ai l’ambition d’une certaine parenté avec vous à cet égard.

Se jeter dans le sein de mère Nature ; la prendre