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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

tale ? La France ignore l’histoire de toutes ses localités. Les localités elles-mêmes ignorent leur propre histoire. Et puis, en fait d’histoire, le point de vue rajeunit tout. La mode est à l’histoire. On ne lit plus que cela. Je ne vais pas plus loin. J’ai peur d’influencer votre inspiration individuelle en vous traçant une forme, un plan, une opinion quelconque. Mais voyez si l’idée brute vous sourit. Vous avez fait l’Histoire d’un pavé. C’est le peuple qui est le vrai pavé, rude, solide, extrait des plus pures entrailles de la terre, asservi à de vils usages, foulé aux pieds, et destiné pourtant à écraser les têtes de l’hydre. Toulon a vu de grands faits. Les actions belles et mauvaises de son peuple, ses inspirations grandes, ses erreurs funestes, tout cela peut être raconté en traits ardents et commenté avec l’accablante précision du vers, comme un enseignement, un encouragement ou un redressement alternatifs. Ce peuple a, d’ailleurs, sa physionomie, et c’est à vous de le peindre. Peut-être le sujet vous emportera-t-il au-dessus des mille vers projetés. Il n’y aura point de mal à cela, et cependant, si vous êtes à la fois très clair et très rapide, ce sera encore mieux. Le moment où nous sommes est avide de regarder en arrière, comme un lutteur qui mesure l’espace avant de sauter en avant. Voyez ! si cela ne vous va pas, je chercherai autre chose.

Bonsoir, mon enfant. Voilà une longue lettre. Mais voilà un beau temps qui ranime et qui vous inspirera mieux que moi. Il fait chaud même ici, et je crois