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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

mais gueux, n’a pas le sou à débourser. Je ne sais plus à quelle porte frapper.

J’avais l’intention de ne prendre pour moi et mes amis qu’une douzaine d’exemplaires. Je me suis souvenue de ce que vous m’avez dit de Delloye, et, voulant que ce petit profit entrât dans votre poche et non dans la sienne, je vous prie de me dire où je dois m’adresser pour avoir et rembourser ces exemplaires. Combien je suis chagrine d’avoir plus de dettes que de comptant ! Vous n’attendriez pas longtemps l’avance de cette petite somme qui vous manque pour être tranquille et satisfait ! Mais, depuis dix ans, je travaille en vain à me remettre au point où j’étais lorsqu’il me fallut réparer le désordre des affaires que d’autres me mirent sur les bras, et payer les dettes qu’ils avaient faites. Avant cette époque, j’avais toujours de quoi prélever une forte part de mon travail pour obliger mes amis, ou rendre des services bien placés. Aujourd’hui, je suis accusée de négligence ou d’indifférence, non par mes amis, qui connaissent bien ma position, mais par des personnes qui s’adressent à moi, et qui s’étonnent de voir mon ancien dévouement paralysé par la force des choses.

Je souffre beaucoup de cette position, non pas à cause de ce qu’on peut dire et penser de moi : il y a longtemps que j’ai mis le mauvais amour-propre de côté, sachant qu’il était l’ennemi de la bonne conscience. Mais voir des souffrances, des inquiétudes et des maux de toute sorte en si grand nombre, et n’y