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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

quelque part une grand’mère tout heureuse de lui tendre les bras.

J’ai vu à Paris, cet hiver, M. Ortolan, avec qui j’ai beaucoup parlé de vous, et qui a eu occasion de rendre à un de mes amis un important service à ma requête. Il y a mis une grande bonté ! Si vous lui écriviez quelquefois, dites-lui que je m’en souviens et que je ne l’oublierai jamais.

J’ai été bien tentée cet été de vous dire de venir me voir à Nohant. Si je ne l’ai pas fait, c’est pour des raisons que je ne peux vous écrire, raisons un peu bizarres, et pourtant très simples et très naïves, mais qui demanderaient de longues explications. Je vous les dirai confidentiellement et fraternellement quand nous nous verrons ; car nous nous verrons, à coup sûr. Ces raisons s’effacent et s’éloignent : elles ne sont pas de mon fait ni du vôtre ; nous y sommes étrangers, nous n’y pouvons rien. Mais elles disparaissent et disparaîtront par la force du temps et des choses. Ne soyez nullement intrigué et ne cherchez pas à deviner. Vous ne trouveriez pas ; car les choses les plus simples et les plus niaises sont celles dont on s’avise le moins quand on les commente, et souvent ce que l’on découvre après bien des efforts d’imagination est tel, qu’on en rit et qu’on se dit : « Ce n’était pas la peine de tant chercher. » Ces raisons-là n’ont eu de gravité que pour moi, puisqu’elles m’ont privé souvent, à propos d’anciens et de nouveaux amis des deux sexes, d’user d’une légitime et sainte liberté.