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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

personnellement mis en cause, à moins qu’il n’eût outrepassé son mandat, comme l’a fait, à ce qu’il me semble, mon neveu M. de Villeneuve préfet d’Orléans. Je plains les administrateurs en général plus que je ne les condamne, et voici pourquoi :

Je suis certaine qu’ils n’obéissent qu’avec regret et répugnance à plusieurs de leurs attributions secrètes, et qu’ils rougiraient de se faire hommes de parti de leur propre impulsion. Mais les gouvernements s’efforcent sans cesse d’avilir la dignité et l’intégrité de leur magistrature, en les faisant complices de leurs passions. C’est par là qu’ils leur ôtent la confiance et les sympathies de leurs administrés. C’est un grand crime et une lourde faute dans laquelle tombent tous les gouvernements absolus de fait ou d’intention. Le gouvernement est donc le coupable, lâchement caché derrière vous. Le devoir de votre position est de nier ses torts et d’en assumer la responsabilité. Triste nécessité que vous ne pouvez pas m’avouer, monsieur ; mais, moi, je sais ce dont je parle, et c’est le secret de ma tolérance envers les hommes publics.

Si mes amis de l’Éclaireur ont été moins calmes, vous ne devez pas vous en étonner beaucoup et vous n’avez guère le droit de vous en fâcher. En acceptant les fonctions que vous occupez, vous avez dû prévoir qu’une guerre systématique et inévitable, provoquée par vous à la première occasion, allumerait une guerre moins froide, mais une guerre ostensible. J’ai prévu dès le commencement que mes amis seraient en-