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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

laisser la liberté de la concevoir selon nos forces et nos aptitudes, en nous déclarant stupides, hypocrites et infâmes de ne pas marcher sur les mêmes chemins que vous, vous êtes plus despotes, plus intolérants et plus inquisiteurs que Moïse et Dominique. Faites vos livres et tuez le faux christianisme comme vous l’entendrez ; à qui refuse-t-on ici le choix des moyens ? mais ne faites pas de persécution à domicile, ne provoquez pas les gens tranquilles et amis de la modestie ; cela serait tout à fait contraire au goût français, dans lequel vous ferez bien de vous retremper un peu, si vous voulez qu’on profite en France de votre talent, de vos études et de votre zèle.

Je vous ai écrit ces deux lettres à bonne intention pour ne pas manquer à la déférence et à la politesse, mais non pour combattre en champ clos votre philosophie. Si j’étais guerrier, je n’irais pas à la guerre pour le plaisir de frapper au hasard et pour satisfaire un caprice belliqueux. La guerre des idées demande un bien autre calme, et, selon moi, un sentiment d’humilité et de charité religieuses que vous méprisez au suprême degré. Ainsi nous ne disputerons pas davantage, s’il vous plaît. Nos armes ne sont pas égales. Je n’admets ni les compliments ni les injures, et je refuse la compétence à quiconque, hors de l’enthousiasme qui fait tout oublier, se charge de me démontrer par la raillerie et le dédain qu’il est en possession de l’unique vérité. Au reste, votre confiance en vous-même se calmera bien vite ici, et je ne