Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.
243
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

cipes, comptez que la Revue ne changera pas de ligne, vu que nos associés sont des condisciples zélés et incorruptibles des mêmes doctrines.

Maintenant, parle-moi de toi comme je te parle de moi ; tu me dois cela en retour de mon bavardage. Je vois que tu as toujours une prédilection pour le beau pays romantique de Vijon. Heureux homme qui peux vivre où tu veux et comme tu veux ! Malgré tout ce que j’invente ici pour chasser le spleen que cette belle capitale me donne toujours, je ne cesse pas d’avoir le cœur enflé d’un gros soupir quand je pense aux terres labourées, aux noyers autour des guérets, aux bœufs briolés par la voix des laboureurs, et à nos bonnes réunions, rares il est vrai, mais toujours si douces et si complètes.

Il n’y a pas à dire, quand on est né campagnard, on ne se fait jamais au bruit des villes. Il me semble que la boue de chez nous est de la belle boue, tandis que celle d’ici me fait mal au cœur. J’aime beaucoup mieux le bel esprit de mon garde champêtre que celui de certains visiteurs d’ici. Il me semble que j’ai l’esprit moins lourd quand j’ai mangé la fromentée de la mère Nannette que lorsque j’ai pris du café à Paris. Enfin, il me semble que nous sommes tous parfaits et charmants là-bas, que personne n’est plus aimable que nous, et que les Parisiens sont tous des paltoquets.

Viens nous voir, cependant ici, comme tu en avais le dessein. Cela me fera du bien pour ma part, et, en embrassant les joues fleuries de ma grosse Eugénie,