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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

sée à l’état de religion, comme toutes les philosophies un peu profondes ? Et, après, quand nous avons été émeutiers et bousingots (de cœur, si nous ne l’avons été de fait), qui nous poussait au désir de ces luttes et au besoin de ces émotions ? Était-ce, comme on l’a dit des républicains d’alors, l’ambition ?

Nous ne savions pas seulement ce que c’était que l’ambition ; c’était l’idée révolutionnaire de 93 qui se réveillait en nous à l’âge où on lit la philosophie du dix-huitième siècle, et où l’on commence à se passionner pour cette ère d’application incomplète, et funeste à beaucoup d’égards, mais grande et saine en résultats, qui mène de Jean-Jacques à Robespierre.

Et, aujourd’hui, pourquoi sommes-nous encore agités d’un besoin d’action et d’un zèle fanatique, sans savoir où nous prendre et par quel bout commencer, et à qui nous joindre, et sur quoi nous appuyer ? car, voyons, savons-nous, avons-nous su, depuis dix ans, tout cela ? Si nous l’avions su, nous n’en serions pas où nous en sommes. Eh bien ! ce qui nous rend toujours si ardents à une révolution morale dans l’humanité, c’est le sentiment religieux et philosophique de l’égalité, d’une loi divine, méconnue depuis que les hommes existent ; reconnue enfin et conquise en principe, mais obscure, mais plongée à demi dans le Styx, mais niée et repoussée par les nobles, les prêtres, le souverain, la bourgeoisie et la bourgeoisie démocratique elle-même ! Le National ! Nous savons bien sa pensée, mieux que vous, et j’ai un peu ri, je te l’avoue, du jésuitisme