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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

deuil, et donne au diable journaux, passagers, lettres, paquets et le reste. Voilà donc plus de quinze jours que le bateau est dans le port ; peut-être partira-t-il demain ! voilà vingt-cinq jours et plus que Spiridion voyage ; mais j’ignore si Buloz l’a reçu. J’ignore s’il le recevra.

Il y a encore d’autres raisons de retard que je ne vous dis pas, parce que toute réflexion sur la poste et les affaires du pays sont au moins inutiles. Vous pouvez les pressentir et les dire à Buloz. Je vous prie même de lui faire parler à ce sujet ; car il doit être dans les transes, dans la terreur, dans le désespoir ! Spiridion doit être interrompu depuis un siècle ; à cela je ne puis rien. J’ai pesté contre le pays, contre le temps, contre la coutume, contre les cochons. J’ai un peu pesté contre ce cher Manoël, qui m’a dépeint ce pays comme si libre, si abordable, si hospitalier. Mais à quoi bon les plaintes et les murmures contre les ennemis naturels et inévitables de la vie ? Ici, c’est une chose ; là, une autre ; partout, il y a à souffrir.

Ce qu’il y a de vraiment beau ici, c’est le pays, le ciel, les montagnes, la bonne santé de Maurice, et le radoucissement de Solange. Le bon Chopin n’est pas aussi brillant de santé. Son piano lui manque beaucoup. Nous en avons enfin reçu des nouvelles aujourd’hui. Il est parti de Marseille, et nous l’aurons peut-être dans une quinzaine de jours. Mon Dieu, que la vie physique est rude, difficile et misérable ici ! c’est au delà de ce qu’on peut imaginer.