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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CLXXXVI

À LA MÊME


Palma de Mallorca, 14 décembre 1838.


Chère amie,

Vous devez me trouver bien paresseuse. Moi, je me plaindrais aussi de la rareté de vos lettres, si je ne savais comment vont les choses ici. Vous ne vous en doutez guère, vous autres ! Ce bon Manoël, qui se figurait qu’en sept jours on pouvait correspondre avec Paris !

D’abord, sachez que le bateau à vapeur de Palma à Barcelone a pour principal objet le commerce des cochons. Les passagers sont en seconde ligne. Le courrier ne compte pas. Qu’importe aux Mayorquins les nouvelles de la politique ou des beaux-arts ? le cochon est la grande, la seule affaire de leur vie. Le paquebot est censé partir toutes les semaines ; mais il ne part en réalité que quand le temps est parfaitement serein et la mer unie comme une glace. Le plus léger coup de vent le fait rentrer au port, même lorsqu’on est à moitié route. Pourquoi ? Ce n’est pas que le bateau ne soit bon et la navigation sûre. C’est que le cochon a l’estomac délicat, il craint le mal de mer. Or, si un cochon meurt en route, l’équipage est en