Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

je ne conseillerais à personne de le tenter dans ce pays-ci, à moins de s’y faire annoncer six mois d’avance. Nous avons été favorisés par un concours de circonstances uniques. Si une famille venait après nous, je crois qu’elle ne trouverait rien à habiter ; car, ici, on ne loue rien, on ne prête rien, on ne vend rien. Il faut tout commander, et tout se fait lentement. Si l’on veut se permettre le luxe exorbitant d’un pot de chambre, il faut écrire à Barcelone.

Valdemosa, en nous parlant des facilités et du bien-être de son pays, nous a horriblement blagués. Mais le pays, la nature, les arbres, le ciel, la mer, les monuments dépassent tous mes rêves : c’est la terre promise, et, comme nous avons réussi à nous caser assez bien, nous sommes enchantés.

Enfin notre voyage a été le plus heureux et le plus agréable du monde, et, comme je l’avais calculé avec Manoël, je n’ai pas dépensé quinze cents francs depuis mon départ de Paris jusqu’ici. Les gens de ce pays sont excellents et très ennuyeux. Cependant, le beau-frère et la sœur de Valdemosa sont charmants, et le consul de France est un excellent garçon qui s’est mis en quatre pour nous.

Adieu, chère ; je vous écrirai plus longuement une autre fois. Aujourd’hui, je suis écrasée par le tintamarre de mon installation à la campagne.

Je vous aime tous deux et vous embrasse de toute mon âme ; Adieu encore, écrivez-moi.