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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

reconnaissance les lettres aimables et toujours ravissantes de la princesse, restées sans réponse. La princesse connaît bien mon infirmité et sait y compatir.

Il ne faut pas qu’elle punisse mon silence par le sien et que, faute de mes maussades épîtres, elle me prive des siennes, qui sont ce qu’il y a de plus adorable dans le monde en fait de lettres. Le châtiment ne serait pas proportionné à l’offense. Et puis disons encore que la princesse m’a vue secouer ma paresse au temps où je la voyais spleenétique, et où je croyais (c’était elle qui, par ses gracieusetés, me donnait cette présomption) que mon babil pouvait la distraire, la consoler et la fortifier. Pour cela, il ne me fallait ni grande sagesse ni bel exemple, car je n’aurais su où prendre l’un et l’autre : il suffisait de lui dire ce qu’elle était, de la faire connaître à elle-même, de lui montrer tous les trésors qu’elle renfermait en elle et qu’elle niait en elle-même. Dans ce temps-là, je lui écrivais que je ne me sentirais plus appelée à lui écrire désormais ; car il me semble qu’elle est calme, heureuse et forte. Pour parler comme mon ami Pierre Leroux, je dirai : Ma mission est remplie. Elle revendrait de la philosophie et du courage, voire de la gaieté, au sublime docteur Piffoël lui-même.

Merci donc, mille fois merci, mes chers et bons enfants, des bonnes choses que vous me dites de vous-mêmes. Je vous remercie de vous aimer comme vous le faites. Je vous remercie d’être heureux, et je vous remercie de me le dire. Vous savez que, de tous les