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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

épreuves dont vous ne savez pas encore comment vous sortiriez, ont manqué peut-être de tous les moyens de salut, de tous les exemples, de tous les secours qui pouvaient les ramener ou les préserver. Que savez-vous si vous n’eussiez pas fait pis à leur place, et voyez ce qu’est l’homme livré à lui-même ?

Observez-vous avec sévérité, avec attention, pendant une journée seulement ! Vous verrez combien de mouvements de vanité misérable, d’orgueil rude et fou, d’injuste égoïsme, de lâche envie, de stupide présomption, sont inhérents à notre abjecte nature ! combien les bonnes inspirations sont rares ! comme les mauvaises sont rapides et habituelles ! C’est cette habitude qui nous empêche de les apercevoir, et, pour ne pas nous y être livrés, nous croyons ne les avoir pas ressentis. Demandez-vous ensuite d’où vous vient le pouvoir de les réprimer ; pouvoir qui vous est devenu une habitude et dont le combat n’est plus sensible que dans les grandes occasions. « C’est ma conscience, direz-vous. Ce sont mes principes. »

Croyez-vous que ces principes vous fussent venus d’eux-mêmes sans les soins que votre mère et tous ceux qui ont travaillé à votre éducation ont pris à vous les inculquer ? Et maintenant vous oubliez que ce sont eux qu’il faut bénir et glorifier, et non pas vous, qui êtes un ouvrage sorti de leurs mains ! Ayez donc plutôt compassion de ceux à qui le secours a été refusé et qui, livrés à leur propre impulsion, se sont fourvoyés sans savoir où ils allaient. Ne les recher-