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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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Mais je vous avertis que j’exigerai plus de vous que des autres. Il en est beaucoup dont la mauvaise éducation, l’abandon dans la vie ou le caractère ardent sont l’excuse. Avec de bons principes, un naturel paisible, une bonne mère, si l’on se laisse corrompre, on ne mérite aucune indulgence. Je connais vos qualités et vos défauts mieux que vous ne les connaissez. À votre âge, on ne se connaît pas. On n’a pas assez d’années derrière soi pour savoir ce que c’est que le passé et pour juger une partie de la vie. On ne pense qu’à l’autre qu’on a devant soi, et on la voit bien différente de ce qu’elle sera !

Je vais vous dire ce que vous êtes. D’abord, l’apathie domine chez vous. Vous êtes d’une constitution nonchalante. Vous avez des moyens, vos études ont été bonnes. Je crois que vous auriez un jour une tête « carrée », comme disait Napoléon, un esprit positif et une instruction solide, si vous n’étiez pas paresseux. Mais vous l’êtes. En second lieu, vous n’avez pas le caractère assez bienveillant en général, et vous l’avez trop quelquefois. Vous êtes taciturne à l’excès, ou confiant avec étourderie. Il faudrait chercher un milieu.

Remarquez que ces reproches ne s’adressent point à mon fils, à celui que je faisais lire et causer dans mon cabinet, et qui, avec moi, était toujours raisonnable et excellent. Je parle de Jules Boucoiran, que les autres jugent, dont ils peuvent avoir à se louer ou à se plaindre. Désirant que tous ceux que vous