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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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CXLII

À M. FRANZ LISZT, À GENÈVE


La Châtre, 5 mai 1836.


Mon bon enfant et frère,

Je vous prie de me pardonner mon énorme silence. J’ai été bien agitée et terriblement occupée depuis que je ne vous ai écrit. Mon procès a été gagné ; puis l’adversaire, après avoir engagé son honneur à ne pas plaider, s’est mis à manquer de parole et à oublier sa signature et son serment, comme des bagatelles qui ne sont plus de mode. Si la possession de mes enfants et la sécurité de ma vie n’étaient en jeu, vraiment ce ne serait pas la peine de les défendre au prix de tant d’ennuis. Je combats par devoir plutôt que par nécessité.

Voilà les raisons de mon long silence. J’attendais toujours que mon sort fût décidé pour vous dire le présent et l’avenir. De lenteur en lenteur, la chère Thémis m’a conduite jusqu’à ce jour, sans que je puisse rien fixer pour le lendemain. Je serais depuis longtemps près de vous, sans tous ces déboires. C’est mon rêve, c’est l’Eldorado que je me fais quand je puis avoir, entre le procès et le travail, un quart d’heure de rêvasserie. Pourrai-je entrer dans ce beau