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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

ne sachant quand je retrouverai un quart d’heure de loisir. Ainsi prenez que ceci n’est rien, qu’un signe et un regard de tendresse jeté en courant à quelqu’un qu’on voudrait embrasser, mais dont le galop de votre cheval vous éloigne.

Votre grande lettre est charmante et bonne comme celle d’un ange. Votre seconde lettre est encore mieux, sauf qu’il s’y trouve un madame, dont je ne veux pas. Vous me parlez de cœur et de bourse. Non, cela n’est pas inconvenant ; l’offrir ou l’accepter est le plus saint privilège de l’amitié, la plus sûre marque de l’antique loyauté. Si j’avais besoin de pain, j’en recevrais de vous, et vous seriez encore la plus obligée de nous deux ; car vous êtes capable d’offrir au premier mendiant venu, et, moi, je ne suis capable d’en accepter que de bien peu de mains.

Je n’irai pas en Chine avec vous, quoique je le fisse de bien bon cœur, si je le pouvais. Mais j’ai mes enfants qui m’attachent à ce sol de France. Je ne pourrai plus m’absenter que pour quelques semaines.

Grâce à Dieu, j’ai gagné mon procès et j’ai mes deux enfants à moi. Je ne sais si c’est fini. Mon adversaire peut en appeler et prolonger mes ennuis. Mais je serai toujours libre au printemps et, si vous n’êtes pas partie, j’irai vous voir en Suisse.

Écrivez donc sur le sort des femmes et sur leurs droits ; écrivez hardiment et modestement, comme vous sauriez le faire, vous. Madame Allart vient de faire une brochure où il y a réellement des choses