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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Vous savez comment s’est établi le christianisme, c’est-à-dire fort mal, même dans ce qu’on appelle son meilleur temps. Il était dans un si beau désaccord avec les mœurs, qu’en son nom, on commettait les crimes et on nourrissait les sentiments les plus opposés à son institution et à son esprit. Douze corps d’armée, commandés par les douze apôtres, eussent, je crois, mieux valu que Paul répétant cette lâcheté : « Rendez à César, etc. »

Faites à votre idée, si vous croyez bien faire en louvoyant, et si votre conscience est en paix. Moquez-vous des reproches que je fais à votre tiédeur croissante, comme je me moque des railleries que vous adressez à mon récent enthousiasme. Je crois que vous vous trompez cependant, et que l’amour de l’égalité a été la seule chose qui n’ait pas varié en moi depuis que j’existe. Je n’ai jamais pu accepter de maître.

À propos, mon procès marche, il est en bon train. Le baron ne plaide pas, il demande de l’argent et beaucoup. Je lui en donne, on le condamne à me laisser tranquille et tout va bien. Quant à ce qu’on en pensera à Paris, cela m’occupe aussi peu que de ce qu’on pense en Chine de Gustave Planche.

L’opinion est une prostituée qu’il faut mener à grands coups de pied quand on a raison. Il ne faut jamais se soumettre à des avanies pour obtenir des salutations et des courbettes en public. Je voudrais bien vous voir digérer des menaces et des coups !