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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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Je ne vous en voudrai pas. Je vous estimerai pour votre franchise. Si vous vous méfiez, dites-le encore : cela me laissera l’espérance, car les défauts que j’ai sont de nature à être tolérés, et peut-être adoucis par vous.

Je me suis permis de vous dédier Simon, conte assez gros qui va paraître dans la Revue. Comme je ne sais quelle est la position extérieure que vous avez adoptée à Genève, j’ai fait cette dédicace excessivement mystérieuse, et telle qu’on ne vous devinera pas, — à moins que vous ne m’autorisiez à m’expliquer davantage.

Je ne vous disais rien de ma vie. Il faut que vous sachiez que je suis toujours à la campagne, chez moi. Je plaide en séparation contre mon époux, qui a déguerpi, me laissant maîtresse du champ de bataille. J’attends la décision du tribunal. Je suis donc toute seule dans cette grande maison isolée ; il n’y a pas un domestique qui couche sous mon toit, pas même un chien. Le silence est si profond la nuit (vous ne voudrez pas me croire, et pourtant c’est certain), que, quand j’ouvre ma fenêtre et que le vent n’est pas contraire, j’entends distinctement sonner l’horloge de la ville, qui est à une grande lieue de chez moi, à vol d’oiseau. Je ne reçois personne, je mène une vie monacale. J’attends l’issue de mon procès, d’où dépend le pain de mes vieux jours ; car vous pensez bien que je n’amasserai jamais un denier pour payer l’hôpital où la tendresse d’un mari me laisserait mourir.