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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

ils ne m’ont pas répondu, et je les livre à votre colère. Vous, vous êtes bonne comme un ange et je vous remercie ; mais ne soyez pas bonne pour eux et vengez-moi de leur oubli, en ne donnant pas un sourire à l’un, pas un bonbon à l’autre pendant tout un jour.

Genève est donc habitable en hiver, que vous y restez ? Comme votre vie est belle et enviable ! Aussi pourquoi le ciel ne m’a-t-il pas fait naître avec de beaux cheveux blonds, de grands yeux bleus bien calmes, une expression toute céleste et l’âme à l’avenant.

Au lieu de cela, la bile me ronge et me confine dans une cellule où je n’ai d’autre société qu’une tête de mort[1] et une pipe turque. Je tiens là comme un Lapon à la croûte de glace qu’il appelle sa patrie, et je ne saurais me figurer, pour le moment, un autre Éden. Vous êtes sous les myrtes et sous les orangers, vous, belle et bonne Marie. Eh bien, priez-y pour moi, afin que je ne quitte pas mes glaces ; car c’est là mon élément et le soleil ne luit pas sur moi.

Je ne vous jalouse pas ; mais je vous admire et vous estime ; car je sais que l’amour durable est un diamant auquel il faut une boîte d’or pur, et votre âme est ce tabernacle précieux.

Tout ce que vous dites sur la non-supériorité des diverses classes sociales les unes sur les autres est

  1. Une pièce anatomique avec des compartiments, légendes et numéros tracés à l’encre, d’après le système phrénologique de Gall et Spurzheim.