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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

mais surtout il ne faut pas croire que cela dure encore.

Je suis guérie, non que je sois heureuse d’ailleurs, mais parce que je suis habituée et résignée à mes maux, et que le sentiment de la douleur n’égare plus mon jugement.

J’ai été vers vous, repentante et attristée de mes doutes intérieurs, et vous m’avez si bien reçue, vous m’avez témoigné une affection si vraie, que j’ai été tout à fait guérie en vous pressant la main. Il y a bien des explications, bien des justifications, bien des attestations, dans une brave poignée de main. On dit qu’une poignée de main d’amitié vaut mieux que mille baisers d’amour. Comment veux-tu que celle que je t’ai donnée en arrivant et en partant ne soit pas sincère ?

Nous sommes les deux plus vieux camarades de la société, et je sais qu’en toute occasion, tu m’as défendue contre les injustices d’autrui. Je sais que tu n’as pas douté de moi quand on me calomniait, et que tu m’as pardonné, quand je faisais les folies que le monde traite de fautes. Que me faut-il de plus ? Tu as de l’esprit par-dessus le marché, et ta société est agréable et récréante ; c’est du luxe, mon enfant. Tu as une femme gentille et excellente, qui m’a traitée tout de suite comme une vieille amie. La meilleure preuve que je puisse avoir de ton affection, c’est la conduite d’Eugénie[1] envers moi. Tout cela m’a fait un bien que je n’ai

  1. Madame Charles Duvernet.