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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

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pouvoir à le préserver de ce rôle mortifiant et ridicule, en déclarant hautement qu’il ne s’était jamais donné la peine de me faire la cour. Notre affection était toute paisible et fraternelle. Les méchants commentaires me forçaient à ne plus le voir pendant quelques mois ; mais rien ne pouvait ébranler notre mutuel dévouement. Au lieu de me seconder, Planche s’est compromis et m’a compromise moi-même : d’abord par un duel qu’il n’avait pas de raisons personnelles pour provoquer ; ensuite par des plaintes et des reproches, très doux il est vrai, mais hors de place et, qui pis est, tirés à dix mille exemplaires.

De si loin et après tant de choses, les petits accidents de la vie disparaissent, comme les détails du paysage s’effacent à l’œil de celui qui les contemple du haut de la montagne. Les grandes masses restent seules distinctes au milieu du vague de l’éloignement. Aussi les susceptibilités, les petits reproches, les mille légers griefs de la vie habituelle, s’évanouissent maintenant de ma mémoire ; il ne me reste que le souvenir des choses sérieuses et vraies. L’amitié de Planche, le souvenir de son dévouement, de sa bonté inépuisable pour moi, resteront dans ma vie et dans mon cœur comme des sentiments inaltérables.

Après avoir quitté Alfred, que j’ai conduit jusqu’à Vicence, j’ai fait une petite excursion dans les Alpes en suivant la Brenta. J’ai fait à pied jusqu’à huit lieues par jour, et j’ai reconnu que ce genre de fatigue m’était fort bon, physiquement et moralement.