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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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Nous savons si peu ce qu’est l’architecture, et notre pauvre Paris est si laid, si sale, si raté, si mesquin, sous ce rapport ! Il n’y a pourtant que lui au monde, pour le luxe et le bien-être matériel. L’industrie y triomphe de tout et supplée à tout ; mais, quand on n’est pas riche, on y subit toute sorte de privations. Ici, avec cent écus par mois, je vis mieux qu’à Paris avec trois cents. Pourquoi diable, toi et ta femme, qui êtes indépendants, qui n’avez ni place, ni famille ni amour du monde, ni relations obligatoires en France, ne venez-vous pas vous établir ici ? Vous y feriez des économies en y vivant très bien ; vous y élèveriez votre fille aussi bien que partout ailleurs. Vous y auriez mille commodités que vous ne pouvez avoir à Paris : un logement cent fois plus joli et plus vaste, une gondole avec un gondolier qui serait en même temps votre domestique ; le tout pour soixante francs par mois ; ce qui représente à Paris une voiture, une paire de chevaux, un cocher et un valet de chambre, c’est-à-dire douze à quinze mille francs par an. Le bois et le vin à très bas prix ; les habits, les marchandises de toute sorte, les denrées de tout pays à moitié prix de Paris. Je paye ici une paire de souliers en maroquin quatre francs. Hier, nous avons été au café, nous étions trois ; nous y avons pris chacun trois glaces, une tasse de café et un verre de punch, plus des gâteaux à discrétion pour compléter les jouissances de deux grandes heures de bavardage. Cela nous a coûté, en tout, quatre livres autrichiennes  ; la livre