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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

doivent vous paraître amères. Vos souvenirs n’ont rien que de doux. Vous aviez entouré toute son existence de tant de soins et de douceurs ! Son bonheur, ce bonheur inexprimable d’une union si parfaite, c’était l’œuvre de toute votre vie. Ah ! je crois que, quand il reste des regrets sans aucun remords, la douleur a ses charmes pour une âme comme la vôtre.

Notre voyage a été fécond en événements dont aucun cependant n’a été grave. Nous avons voulu passer par les montagnes de la Marche, pour jouir de tableaux pittoresques et intéressants. Nous avons payé le plaisir de mille dangers. Des chevaux mourants, ou rétifs, menaçaient de nous culbuter ou de se laisser entraîner dans des descentes très rapides, sur des routes sinueuses et bordées de ravins profonds. Notre étoile nous a protégés cependant, et nous en avons été quittes pour la peur. Nous sommes arrivés tous bien portants.

Maurice a eu, depuis, un gros rhume avec une forte inflammation aux yeux ; l’eau de gomme pour la toux et l’eau de mauve pour les yeux l’ont beaucoup soulagé. Il se porte tout à fait bien à présent.

Je vous remercie, chère et bonne madame, de l’intérêt que vous voulez bien prendre à ma santé. Elle est assez bonne, quoique j’aie toujours des douleurs et un mal opiniâtre à la tête, qui est mon inséparable. Je ne fais pourtant point d’imprudences, je suis ici d’une sagesse forcée, n’ayant point de sujets de courses comme à Guillery ; mais, ayant plus d’occupations es-