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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

étroites. Laissons-la dire. Elle regarderait notre petite communauté comme un hôpital de fous. Vivons à part, et ne la voyons que pour en rire ou pour y pardonner. Puissiez-vous être comme moi insensible à ses atteintes, et mettre votre vie réelle, votre bonheur entier, dans le cœur de ce petit nombre qui vous apprécie et qui me tolère, moi, reconnaissante quand j’obtiens seulement de l’indulgence. Toutes les peines d’intérieur ne deviennent-elles pas supportables, avec cette idée qu’il y a des êtres tout prêts à nous dédommager de l’injustice ou de l’ingratitude de ceux-là ?

Oh ! mon bon Charles, que cette pensée vous soit bienfaisante comme à moi ! qu’elle ferme toutes les autres blessures, qu’elle anéantisse tous les souvenirs qui font mal, qu’elle reconstruise votre avenir et rajeunisse votre cœur comme elle a rajeuni le mien, bien plus vieux, hélas ! bien plus mortellement froissé que le vôtre ! Croyez en nous, et vous serez heureux partout même à la Châtre.

Venez près de nous, dans notre Paris, où règne sinon la liberté publique, du moins la liberté individuelle. Nous aurons de temps en temps un billet de parterre aux Italiens ou à l’Opéra. Quand nous n’aurons pas le sou, nous irons voir les cathédrales, ça ne coûte rien et c’est toujours intéressant à étudier. Ou bien nous prendrons le frais sur mon balcon, nous verrons passer l’émeute nouvelle, nous cracherons sur tout cela, battants et battus, tous fous à faire pitié. Nous