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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

nous) où je ne vois pas la haine, le soupçon, l’injustice et l’aigreur empester l’air que je respire. Si les gens n’étaient pas méchants, je leur passerais bien d’être bêtes ; mais, pour notre malheur, ils sont l’un et l’autre. Voilà pourquoi la province est odieuse. Il y a un venin caché partout, et l’on peut dire d’elle ce que Victor Hugo dit de la prison : Vous y cueillez une fleur, et elle pique ou elle pue. C’est barroque, mais c’est vrai.

Il me tarde pourtant de retourner en Berry ; car j’ai des enfants que j’aime plus que tout le reste. Sans l’espoir de leur être plus utile un jour avec la plume du scribe qu’avec l’aiguille de la ménagère, je ne les quitterais pas si longtemps. Je veux, malgré les difficultés sans nombre que je rencontre, faire les premiers pas dans cette carrière épineuse.

Je me suis enfin décidée à écrire dans le Figaro, et je suis charmée que vous y soyez abonné ; ce sera une manière de causer avec vous, surtout si M. de Latouche a souvent la bonne idée de me faire faire des articles comme celui de Molinara, article dont le cœur a fait les frais plus que l’esprit. C’est dans son cabinet, à sa table, moitié avec lui, que j’ai écrit cette idylle, dont le bon public parisien (public excellent, d’ailleurs, dont le métier est d’être dupe) cherchait le mot avec d’incroyables efforts le lendemain.

Vous auriez ri de voir les bons bourgeois du café Conti… (Vous connaissez sûrement le café Conti, vis-à-vis le pont Neuf ? Vous y avez déjeuné plus d’une