Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 1.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

désormais remplie. J’ai un but, une tâche, disons le mot, une passion. Le métier d’écrire en est une violente, presque indestructible. Quand elle s’est emparée d’une pauvre tête, elle ne peut plus la quitter.

Je n’ai point eu de succès. Mon ouvrage a été trouvé invraisemblable par les gens auxquels j’ai demandé conseil. En conscience, ils m’ont dit que c’était trop bien de morale et de vertu pour être trouvé probable par le public. C’est juste, il faut servir le pauvre public à son goût et je vais faire comme le veut la mode. Ce sera mauvais. Je m’en lave les mains. On m’agrée dans la Revue de Paris, mais on me fait languir. Il faut que les noms connus passent avant moi. C’est trop juste. Patience donc. Je travaille à me faire inscrire dans la Mode et dans l’Artiste, deux journaux du même genre que la Revue. C’est bien le diable si je ne réussis dans aucun.

En attendant, il faut vivre. Pour cela, je fais le dernier des métiers, je fais des articles pour le Figaro. Si vous saviez ce que c’est ! Mais on est payé sept francs la colonne et avec ça on boit, on mange, on va même au spectacle, en suivant certain conseil que vous m’avez donné. C’est pour moi l’occasion des observations les plus utiles et les plus amusantes. Il faut, quand on veut écrire, tout voir, tout connaître, rire de tout. Ah ! ma foi, vive la vie d’artiste ! Notre devise est liberté.

Je me vante un peu pourtant. Nous n’avons pas précisément la liberté au Figaro. M. de Latouche, notre