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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


LXI

À M. JULES BOUCOIRAN, À NOHANT


Paris, 4 mars 1831.


Mon cher enfant,

Je vous remercie de m’avoir écrit. Je ne vis que de ce qui concerne Maurice, et les nouvelles qui m’arrivent par vous n’en sont que plus douces et plus chères. Aimez-le donc mon pauvre petit, ne le gâtez pas, et pourtant rendez-le heureux. Vous avez ce qu’il faut pour l’instruire sans le rendre misérable : de la fermeté et de la douceur. Dites-moi s’il prend ses leçons sans chagrin. Près de lui, je sais montrer de la sévérité ; de loin, toutes mes faiblesses de mère se réveillent et la pensée de ses larmes fait couler les miennes. Oh ! oui, je souffre d’être séparée de mes enfants. J’en souffre bien ! Mais il ne s’agit pas de se lamenter ; encore un mois, et je les tiendrai dans mes bras. Jusque-là, il faut que je travaille à mon entreprise.

Je suis plus que jamais résolue à suivre la carrière littéraire. Malgré les dégoûts que j’y rencontre parfois, malgré les jours de paresse et de fatigue qui viennent interrompre mon travail, malgré la vie plus que modeste que je mène ici, je sens que mon existence est