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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de revenir au moment où je quitte le pays. Vous pouviez bien attendre encore un ou deux mois. Nous aurions été charmants ici tous ensemble.

Nous n’aurions pas eu les bords de l’Indre, c’est vrai ; mais la Seine est beaucoup plus saine. Nous n’aurions pas eu les Couperies ; mais nous aurions eu les Tuileries. Nous n’aurions pas mangé le lait champêtre dans des écuelles rustiques ; mais nous aurions respiré l’odeur balsamique des pommes de terre frites et des beignets du pont Neuf ; ce qui a bien son mérite, quand on n’a pas le sou pour dîner. Ne pourriez-vous assassiner tout doucement votre farinier, afin d’en venir chercher un autre à Étampes ou aux environs ? Je suis pour le coup de poignard, c’est une manière si généralement goûtée qu’on ne peut plus en vouloir aux gens qui s’en servent.

Sans plaisanterie, mon bon Charles, nous parlons souvent de vous, et nous regrettons votre présence, votre bonne humeur, votre bonne amitié et vos mauvais calembours.

Votre cousin de Latouche a été fort aimable pour moi. Remerciez bien votre mère du coup de poing… non, du coup de main qu’elle m’a donné en cette occurrence. Occurrence est bien, n’est-ce pas ? Hélas ! si votre cousin savait à quelle lourde bête il rend service, vous en auriez des reproches, c’est sûr. Ne lui en disons rien. Devant lui, je suis charmante, je fais la révérence, je prends du tabac à petites prises, j’en jette le moins possible sur son beau tapis à fond