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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

demain, négligé toujours, et je ne retrouverai en lui qu’un méchant polisson. On ne m’écrira que pour me le faire malade, afin de me contrarier ou me faire revenir.

Si ce devait être là son sort, j’aimerais mieux supporter le mien tel qu’il est aujourd’hui et rester près de lui, pour adoucir du moins la brutalité de son père.

D’un autre côté, mon mari n’est pas aimable, madame Bertrand ne l’est pas non plus ; mais on supporte d’une femme ce qu’on ne supporte pas d’un homme, et, pendant trois mois d’été, trois mois d’hiver (c’est ainsi que je compte partager mon temps), ferez-vous aux intérêts de mon fils, c’est-à-dire à mon repos, à mon bonheur, le sacrifice de supporter un intérieur triste, froid et ennuyeux ? Prendrez-vous sur vous d’être sourd à des paroles aigres et indifférent à un visage refrogné ? Il est vrai de dire que mon mari a entièrement changé d’opinion à votre égard et qu’il ne vous a donné, cette année, aucun sujet de plainte ; mais, à l’égard des gens qu’il aime le mieux, il est encore fort maussade parfois. Hélas ! je n’ose pas vous prier, tandis que, la famille Bertrand, riche et aujourd’hui dans une position brillante, vous offre mille avantages, le séjour de Paris, où peut-être elle va se fixer, par suite de la nomination du général à la tête de l’École polytechnique.

Que ferai-je si vous me refusez ? De quel droit insisterai-je pour vous faire pencher en ma faveur ? Qu’ai-je fait pour vous, et que suis-je pour que vous