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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

entre nous) l’amant en titre de la mère, il répond des balivernes. Je suppose que le monsieur était sincère aux pieds de la jeune fille. Comment eût-il pu ne pas l’être ? Elle est charmante de tous points. Mais, une fois éloigné d’elle, la froide raison, — des raisons d’intérêts sans doute, car on m’assure qu’il a de la fortune, et elle n’a rien, — les parents, la légèreté, l’absence, un parti plus avantageux, que sais-je ? la jolie et douce enfant est oubliée sans doute. Dans l’ignorance de son cœur, elle le pleurera comme s’il en valait la peine. Si jeunesse savait ! Quoi qu’il arrive, je vous remercie de vos lumières et je vous tiendrai au fait des événements. J’abrège sur cet article, car j’ai bien autre chose à vous dire.

Sachez une nouvelle étonnante, surprenante… (pour les adjectifs, voyez la lettre de madame de Sévigné, que je n’aime guère, quoi qu’on dise !), sachez qu’en dépit de mon inertie et de mon insouciance, de ma légèreté à m’étourdir, de ma facilité à pardonner, à oublier les chagrins et les injures, sachez que je viens de prendre un parti violent. Ce n’est pas pour rire, malgré le ton de badinage que je prends. C’est tout ce qu’il y a de plus sérieux. C’est encore là un de ces secrets qu’on ne confie pas à trois personnes. Vous connaissez mon intérieur, vous savez s’il est tolérable. Vous avez été étonné vingt fois de me voir relever la tête le lendemain, quand la veille on me l’avait brisée. Il y a un terme à tout. Et puis les raisons qui eussent