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tative, et elle entra, un soir, chez le docteur au moment où il se rôtirait dans sa chambre. Mon bon ami, lui dit-elle, savez-vous que mon père est perdu ?

— Oui, je le sais, répondit le docteur, tout à fait perdu ! Il lui faudrait deux cent mille francs et personne ne veut les lui prêter.

— Mais si quelqu’un se portait caution ?…

— Qui ferait cette folie ? Ce serait deux cent mille francs jetés à l’eau ; ton père ne s’acquittera jamais.

— Vous doutez de lui ?

— Non ; mais, dès qu’il aura recouvré une aisance apparente, sa femme reviendra et le ruinera de plus belle.

— Achetez, au moins, une des maisons pour satisfaire les créanciers ; vous permettrez que j’y demeure avec mon père, et, un jour, quand il ne sera plus, vous reprendrez tout ; moi, j’aurai assez de talent pour vivre ; il me faut si peu, qu’un tout petit peu de talent me suffira.

— Tu oublies que ton père n’a pas cinquante ans et que j’en ai soixante-quinze. Si j’achète ses biens et que je lui en laisse la jouissance, je ne retirerai jamais l’intérêt de mon argent et je mourrai dans la gêne. Est-ce là ce que tu veux ?

— Non ! je vous paierai le loyer ; je travaillerai, ma bonne fée fera encore un miracle pour moi, je gagnerai de l’argent ! Essayez, mon ami. Retardez la vente de nos biens en répondant du paiement et vous verrez qu’avant deux ans…

— Ce n’est pas si sûr que cela, dit le docteur. Il y