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domestiques. Geoffrette faisait la cuisine, et Diane y mettait la main pour que son père, habitué à bien vivre, ne s’aperçût pas de cette décadence. Elle mettait de l’ordre dans la maison et dans les affaires. Longtemps elle retarda le désastre qui menaçait le capital, en servant fidèlement les intérêts. Mais un jour vint où les créanciers, las d’attendre, firent une saisie sur les maisons, les jardins, la petite ferme, les objets d’art et le mobilier.

Ce fût un coup très-rude pour Flochardet, qui ne pouvait plus le cacher à sa fille et à ses amis. Il était résigné à tout abandonner et à chercher dans une autre province, non pas une nouvelle clientèle, il faut des années pour cela, mais des travaux quelconques. Il en avait déjà obtenu à Arles, dans les églises ; il faisait des vierges, des saintes et des anges, et d’abord, il s’était imaginé pouvoir se passer de faire le portrait. Un instant même, il s’était réjoui, se croyant passé maître pour tout de bon en abordant ce qu’il appelait la grande peinture. Mais l’idée que l’on se faisait des vierges et des anges avait changé aussi ; longtemps on avait aimé les madones souriantes et grassouillettes du temps de Louis XV. On commençait à les vouloir plus sérieuses, moins semblables à de jolies nourrices de village, et on lança beaucoup de lazzis aux bonnes petites mamans que Flochardet entourait vainement d’un nimbe lumineux semé de roses parfaitement exécutées. Ces railleries, qu’on lui épargnait par un reste de déférence, arrivèrent pourtant aux oreilles de Diane. Elle comprit que son père ne se relèverait pas par cette nouvelle ten-