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esprit avait des côtés sérieux et ardents qu’on ne connaissait pas. Elle faisait de la peinture très-gentille dont elle avait appris un peu le procédé manuel en regardant son père travailler. Mais elle ne la montrait plus à personne, parce qu’une fois le docteur avait dit que c’était très-bien et M. Flochardet avait répondu que c’était très-mauvais. Diane sentait que le docteur, qui avait de bonnes idées critiques, n’entendait rien à l’exécution. Il avait développé en elle l’amour du beau, mais il ne pouvait lui donner les moyens de le saisir. Elle sentait aussi que son père avait un système tout opposé aux théories du docteur, qu’il ne jugeait jamais bien ce qui était en dehors de sa propre manière et qu’il pouvait être injuste sans le savoir.

Mais Diane pouvait-elle le savoir elle-même ? Voilà ce qu’elle se demandait avec anxiété. Que devait-elle penser du talent de son père que le docteur critiquait avec tant de justesse apparente ? Mais que devait-elle penser des critiques du docteur qui n’était pas capable de tenir un crayon et de tracer une ligne ? Ce problème la tourmentait si fort qu’elle en redevint un peu malade. Elle avait beaucoup grandi sans être trop mince et trop délicate. Le docteur la soigna sans en être inquiet, mais en cherchant à deviner la cause morale qui ramenait ses petits accès de fièvre. Geoffrette lui confia que, selon elle, Diane dessinait trop. Comme elle ne voulait pas qu’on la vît travailler, elle se levait avant le jour, et la nourrice qui l’observait la voyait devenir tantôt rouge et comme folle de joie en dessi-