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Alors le docteur prit un grand parti : — Je veux, dit-il à l’artiste, que vous me donniez votre fille et sa nourrice.

— Plaisantez-vous ? s’écria Flochardet, donner ma fille ?

— Oui, me la donner sans qu’elle vous quitte, puisque nous demeurons porte à porte à la ville comme à la campagne. Elle passera les nuits chez vous si vous voulez, mais elle sera chez moi du matin jusqu’au soir, et c’est moi qui l’instruirai et la soignerai à ma manière.

— Mais vous n’aurez pas le temps ! dit Flochardet.

— J’aurai le temps ! Me voilà vieux et assez riche, j’ai le droit de me reposer et de passer ma clientèle à mon neveu qui vient d’achever ses études et qui n’est point une bête. Je l’ai élevé comme mon fils, mais j’ai toujours souhaité d’avoir une fille et de partager ma fortune entre deux enfants de sexes différents. Voyons, est-ce convenu ?

Le dernier argument du docteur était très-fort. Flochardet ne se crut pas le droit de refuser un si bel avenir pour sa fille, d’autant plus qu’au train que menait madame Laure, il était à craindre que sa propre fortune ne fût ébranlée un jour ou l’autre. Déjà, pour satisfaire ses besoins de luxe, elle lui avait fait contracter des dettes qu’il n’osait point avouer.

Il céda et madame Laure en fut fort aise. Elle trouva même beaucoup plus commode que la petite demeurât tout à fait avec Geoffrette chez le docteur.