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maman Laure qui me méprise et qui ne se soucie pas de moi.

Jusque-là, Diane avait fait de son mieux pour aimer madame Laure. En ce moment, elle sentit qu’elle n’était rien pour elle, et, pour la première fois, elle pensa à sa mère et fit de grands efforts pour se la rappeler ; mais c’était bien impossible ; elle était encore au berceau quand elle l’avait perdue et ne s’était aperçue de rien ; Elle se rappelait très-vaguement le mariage de son père avec madame Laure ; seulement elle avait remarqué la tristesse de sa nourrice, ce jour-là ; elle se souvenait de lui avoir entendu dire plusieurs fois en la regardant :

— Pauvre petite ! voilà qui est malheureux pour elle.

Madame Laure avait embrassé Diane et l’avait bourrée de bonbons. L’enfant n’avait plus fait attention au chagrin de sa nourrice. Elle commença à le comprendre en entendant les aigres paroles de sa belle-mère sur son compte et sur celui de cette défunte mère dont personne ne lui avait jamais rien dit, et à laquelle elle se mit à songer avec une ardeur et une douleur toutes nouvelles dans sa vie. C’était comme une découverte qu’elle faisait en elle-même d’un sentiment endormi au fond de son cœur. Elle se laissa tomber sur l’herbe en répétant d’une voix brisée par les sanglots :

— Maman ! maman !

Alors elle s’entendit appeler à travers les branches des lilas en fleurs, par une voix douce qui disait :

— Diane, ma chère Diane, mon enfant, où es-tu ?