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C’était une femme de bien, une personne raisonnable et très-distinguée, je vous assure.

— Ah ? C’est possible ! Moi, je parle par ouï-dire. M. Flochardet a son portrait caché quelque part. Il ne me l’a jamais montré. Il ne veut pas que je lui parle d’elle, et après tout, ça m’est égal ! Qu’on élève l’enfant comme on voudra ! Du moment que cela ne me regarde pas ! Je l’aurais pourtant aimée, si l’on m’eût chargée de la rendre aimable… Mais…

— Mais elle est donc maussade et désagréable ?

— Non, ma chère, elle est pis que cela ; elle est niaise, distraite, et je crois un peu idiote.

— Pauvre petite ! Est-ce qu’on ne lui apprend rien ?

— Rien du tout ! Elle ne sait même pas s’attacher un ruban ni mettre une fleur dans ses cheveux.

— J’ai cru qu’elle aimait à dessiner ?

— Oui, elle aime ça, mais son père dit qu’elle n’a pas de goût et ne comprend rien à la peinture ; or, comme elle ne comprend rien à tout le reste…

Diane n’en entendit pas davantage. Elle avait mis ses mains sur ses oreilles et s’en allait au fond du bois cacher ses larmes. Elle éprouvait un chagrin très-grand sans trop savoir pourquoi. Était-ce l’humiliation d’être trouvée si sotte, le découragement d’être jugée incapable par son père ? N’était-ce pas plutôt la douleur de découvrir qu’elle n’était point aimée ?

— Mon papa m’aime, pourtant, se disait-elle ; j’en suis sûre. S’il me trouve bête et maladroite… C’est possible, mais il ne m’en aime pas moins. C’est