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tée, et se remit à cueillir des violettes, ne voulant pas s’enfuir et attendant qu’on l’appelât.

Comme elle était penchée derrière les buissons, ces dames ne la virent plus et Diane entendit que madame Laure disait à son amie : « Je croyais qu’elle viendrait vous faire sa révérence, mais elle s’est cachée pour s’en dispenser. La pauvre enfant est si mal élevée depuis qu’on m’a défendu de m’occuper d’elle ! Que voulez-vous, ma chère ? son père est faible, et gouverné par ce docteur Féron, qui est un ours baroque. Il a décrété que la petite devait ne recevoir aucune éducation. Aussi vous voyez le beau résultat !

— C’est dommage, dit l’autre dame ; elle est jolie et elle a l’air doux. Je la vois souvent autour de mon parterre, elle ne touche à rien et me salue poliment quand elle m’aperçoit. Si elle était un peu mieux arrangée, elle serait tout à fait bien.

— Ah bien oui, arrangée ! Ma chère, figurez-vous que le vieux docteur a défendu qu’elle portât un corset ! Pas une baleine sur le corps ! Comment voulez-vous qu’elle ne devienne pas bossue ?

— Elle n’est pas bossue. Au contraire elle est bien faite ; mais on pourrait l’habiller sans la serrer et ne pas lui refuser un peu de garniture à ses jupes.

— Bah ! c’est elle qui n’en veut pas. Cette enfant-là déteste la toilette. Elle tient de sa mère, qui était une personne du commun et plus occupée de surveiller sa cuisine que d’avoir bon air et bon ton.

— Je l’ai connue, sa mère, reprit la voisine.