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l’imagination d’une enfant très-disposée à la poésie, par conséquent au merveilleux. Il ne jugea pas devoir la détromper. Il la laissa, comme il la trouvait, dans le doute. Il ne voulut pas lui affirmer que ce qu’elle avait vu et entendu était certain et réel. Il eut l’air de ne pas trop savoir non plus si elle avait rêvé ou non, et l’incertitude où il la laissa fut une joie pour elle. En la quittant, il se disait à lui-même : On ne sait pas assez le tort que l’on fait aux enfants en se moquant de leurs inclinations, et le mal qu’on peut leur faire en refoulant leurs facultés. Cette petite est née artiste, et son père ne s’en doute pas. Dieu la préserve de ses leçons ! Il fausserait son sentiment et la dégoûterait de l’art.

Heureusement pour Diane, son excellent père ne s’était pas mis en tête de la faire travailler, et, la voyant délicate, il était résolu à ne la contrarier en rien. Elle alla passer plus d’une matinée chez le docteur, elle vit et revit ses antiques, ses bustes, ses statuettes, ses médailles, ses camées et ses gravures. Il était amateur sérieux et bon critique, bien qu’il n’eût jamais essayé de toucher un crayon ; il faisait comprendre, et c’est tout ce qu’il fallait pour que Diane eût le désir de copier ce qu’elle voyait. Elle dessina donc beaucoup chez lui pendant qu’il faisait ses visites.

Je vous tromperais, mes enfants, si je vous disais qu’elle dessinait bien. Elle était trop jeune et trop livrée à elle-même : mais elle avait déjà acquis une grande chose : c’est qu’elle comprenait que ses dessins ne valaient rien. Autrefois, elle se contentait