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corde pour être hissé par ma mère à une perche. Quant à moi, j’eus aussi la surprise d’une musique à laquelle je n’avais point songé. Le père Bradat avait convié un de ses amis, joueur de tympanon, à venir nous faire danser. Après le déjeuner, nous eûmes le bal, mes sœurs s’en donnèrent à plein cœur et à pleines jambes. Ma pauvre mère pleura de joie en hissant le bouquet, Maguelonne se couvrit de gloire en enlevant lestement la dernière brouettée et en la jetant sur le tas. Tout le monde fut gai, par conséquent amical et bon. Personne ne se grisa, bien que je n’eusse point épargné le vin. Nos montagnards sont sobres et polis, vous le savez.

Le soir venu, je reconduisis ma famille ; ma mère me bénit et me remit l’argent pour bâtir la maison que vous voyez et acheter le bétail. Elle consentait à vivre l’été avec moi à la rencluse ; mes sœurs s’en faisaient une fête et une joie.

L’année suivante, au moment où nous étions prêts à nous installer, nous eûmes une grande inquiétude. Ma mère fut malade, et nous crûmes la perdre ; mais dès qu’elle fut hors de danger, elle se fit transporter dans notre montagne, où le bon air l’eut bientôt guérie. Si vous ne la voyez point aujourd’hui avec nous, c’est que la brave femme, qui ne se trouve pas assez occupée ici et qui veut toujours gagner de l’argent pour nous, est à Cauterets, où elle blanchit et repasse les jupes et les affiquets des belles baigneuses, sans parler des fines chemises des beaux messieurs. On la demande partout parce qu’elle est bonne ouvrière et très-aimable. Quant à nous, vous