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et tous ses animaux, auxquels je voulais donner l’étrenne de mon pré ; puis je courus à Pierrefitte chercher ma mère et mes sœurs.

— Me voici, leur dis-je, j’ai fini, et je n’ai rien dépensé de l’argent que vous me réserviez pour ma majorité. Il me le faudra maintenant pour acheter un troupeau et bâtir une vraie maisonnette ; mais j’entends que tout soit commun entre nous quatre jusqu’au jour où mes sœurs voudront s’établir ; alors nous ferons de toutes choses des parts égales. En attendant, venez ; j’ai là une cariole et un cheval pour vous conduire jusqu’au pied de la montagne, avec quelques provisions pour le déjeuner. Je veux que vous plantiez le bouquet sur la rencluse à Miquelon.

Quand elles entrèrent dans notre petit vallon, elles crurent rêver ; la cantine était dressée et envoyait dans les airs son long filet de fumée bleue. Le père Bradat, aidé de quelques femmes et filles des environs que j’avais requises en passant, préparaient le repas, les perdrix de montagne, que vous appelez lagopèdes et qui sont toutes blanches l’hiver, les coqs de bruyère et les fromages de crème. J’apportais le vin, le sucre, le café et le pain tendre. Le troupeau de Bradat était épars sur mon herbage et l’attaquait à belles dents comme pour prouver qu’il était bon. Les gars mettaient la table et dressaient les siéges avec des billes de sapin et des planches à peine équarries ; mais tout cela, couvert de feuillages et de fleurs, avait un air de fête. Le bouquet de rhododendrons et d’œillets sauvages était pendu à une