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geant à la petite fête que j’allais donner à monseigneur Yéous.

Dès le matin suivant, je courus tout préparer après avoir averti mes hôtes de ne pas s’étonner du bruit ; je creusai ma petite mine avec l’instrument que je pus trouver. Je ne m’y pris point mal ; j’avais assez vu opérer ce travail sur les routes de montagne. Le cœur me battait d’une joie cruelle quand j’allumai la mèche ; j’avais mis toute ma poudre, l’explosion fut belle et faillit m’être funeste, j’étais trop fier pour avoir bien pris mes précautions ; mais la gueule du géant éclata jusqu’aux oreilles, car je m’étais attaqué à sa face, et il resta béant avec une si laide grimace que j’en tombai de rire, tout sanglant et blessé que j’étais moi-même. Je n’avais rien de grave, je me relevai vite. — Bois mon sang ! dis-je à mon ennemi en me penchant sur sa hure calcinée. Voilà ! c’est entre nous duel à mort. Tu ne sais pas saigner, toi, mais j’espère que tu souffres comme tu as fait souffrir mon père.

En ce moment, je vis une chose qui me ramena à la pitié. L’explosion avait envoyé au diable une pauvre fourmilière installée dans une oreille du géant. Ce petit monde éperdu ne s’amusait pas à compter ses morts et à fuir ; il remontait avec courage à l’assaut des ruines pour emporter ses larves et les mettre en sûreté ailleurs. — Ma foi, je vous demande pardon, leur dis-je, j’aurais dû vous avertir ; mais je vais vous aider à sauver vos enfants. — Je pris sur ma pelle de bois un gros paquet de cette terre si bien triturée et creusée de logettes et de corridors où reposaient les